Je ne parle pas du classicisme, période de la littérature qui se situe entre 1660 et 1680 et même, d’après certains critiques, jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Non, je prends le mot dans un sens plus large.
Le mot vient du latin classicus et signifie « citoyen de première classe » . Appliqué aux textes littéraires, le mot veut dire « de premier ordre ». Au XVIIe siècle le mot s’applique aux auteurs latins que l’on enseignait dans les classes. Le mot ne désigne pas déjà Molière, Racine, Boileau, La Fontaine. Mais il finira par les désigner, car ces écrivains, en effet, se réclament de l’héritage et de la pensée des écrivains antiques grecs et latins.
J’entends le mot « classique » dans une acception (définition) beaucoup plus globale : par conséquent, un « classique » peut être un écrivain du XXe siècle. Proust, par exemple, est indubitablement devenu un classique. Julien Gracq, récemment décédé, est en voie de le devenir. Un prix Nobel, tel que J.M.G. Le Clézio, est sans doute un futur « classique ».
Je cherche à comprendre ce que recouvre l’expression « (re)lire ses classiques ».
Qu’est-ce donc qu’un classique ?
C’est probablement un livre devenu indispensable à l’humanité, un livre qui lui sert de référence, de modèle ou d’exemple.
Le « classique » nous révèle quelque chose à nous-mêmes que nous croyions savoir, mais que nous n’avions jamais formulé ainsi. Le « classique » l’a dit avant nous et de façon irremplaçable. L’ayant lu, on ne peut l’oublier. Et même s’il arrive que la mémoire fasse défaut, il en demeure l’essentiel, une trace qui ne s’efface pas.
C’est un livre qui va exercer une forte influence sur l’humanité : des générations d’hommes vont le lire et le relire et chacun va y voir quelque chose de nouveau, d’inattendu et de différent. L’œuvre va résister à l’usure du temps et plus qu’à l’usure du temps, à l’usure des interprétations.
« (Re)lire ses classiques », c’est forcément relire des œuvres nourries d’autres œuvres et qui vont nourrir d’autres œuvres à leur tour. L’Odyssée d’Homère a inspiré Ulysse de Joyce. Ulysse est devenu un classique.
Le « classique » se lit au lycée par devoir et se relit par amour. Le lycée a pour rôle de faire connaître un certain nombre de ces livres qui deviendront plus tard, pour chacun(e) d’entre vous, « ses » classiques. Le « classique » est le livre que l’on ne choisit pas de lire, mais que l’on choisit de relire. On le relit pour se mesurer avec lui, pour le mettre à l’épreuve de son jugement critique. Il nous aide, longtemps après qu’on l’a découvert pour la première fois, à nous (re)définir nous-mêmes. « Et maintenant, se dit-on, qui suis-je par rapport à ce livre ? »
Qui décide qu’un auteur va devenir un « classique » ? La rumeur du monde désigne les « classiques ». Ce sont les lecteurs qui font les « classiques ».
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