Chronologie : 2 périodes
- 1973 – 83 : décennie des chocs, « panne » de la construction.
- double relance → 1) Acte Unique (1986) 2) traité de Maastricht (1992).
- 1989 – 91 : fin de la Guerre Froide → question de l’intégration de l’Europe de l’Est.
- 1985 – 1992 : années de relance, d’approfondissements et d’élargissements (Espagne, Portugal).
I. Une Europe en panne : 1973 – 83
Un nouveau contexte
La fin de la grande croissance :
Trente Glorieuses (1945- 73) : l’une des dynamiques majeure de la construction de l’Europe était la forte croissance (environ 5%/an).
À partir de 1973 : ralentissement → croissance moyenne = 2,5%/an. Cet arrêt de la grande croissance est perçu comme momentané → début 1980’s. Années de croissance négative : 1974, 75, 79.
Une succession de chocs : à 2 niveaux = monnaie + énergie
Fin du système monétaire international : créé à Bretton Woods (1944), et fondé sur un système de parité fixe entre les monnaies.
Les États-Unis rompent le système unilatéralement en 2 étapes :
- 15 août 1971 : Nixon annonce la fin de la convertibilité du dollar en or (= pilier du système).
- 1973 : dévaluation du dollar
→ système de changes flottants = instabilité.
premier choc pétrolier (1973) : prix pétrole x 4.
Autres facteurs d’instabilité :
- inflation → baisse du pouvoir d’achat dans tous les pays (France, Italie = 15%/an).
- chômage : nouveauté. Avant 1973 : quasi plein-emploi (= 2/3% de chômeurs).
- déséquilibres extérieurs : aggravation des importations d’énergie en valeur → déficit commercial → conséquences sur les monnaies (risques d’affaiblissement).
- crise des grandes industries traditionnelles qui ont fait la croissance des Trente Glorieuses
= charbon, textile, acier. Réduction de la production, extinction définitive de la production de charbon → problèmes de reconversion + chômage.
→ Construction européenne à l’épreuve de la crise : pas de réflexe protectionniste (≠ 1930’s).
Relations avec les ex-colonies : consolidation de relations préférentielles
- 1963 : convention de Yaoundé → convention d’association entre la CEE et 18 États africains.
- 1975 : convention de Lomé → accord de coopération commerciale, signé entre la CEE et 46 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Accord renouvelé en 1979 (→ Lomé II, 54 pays), 1984 (Lomé III, 66 pays) et 1990 (Lomé IV, 70 pays). Principe : exonérer les exportations de ces pays des droits de douane.
Abaissement des droits de douane : cette décennie noire n’a pas arrêté la marche à l’abaissement des droits de douane dans les grandes négociations internationales :
- succession de plusieurs cycles de négociation du GATT (General Agreement on tariffs and trade) :
- Kennedy Round (1964 – 69),
- Tokyo Round (1970’s).
- Europe : abaissement du tarif extérieur commun (TEC) = moins de 5% à la fin des 1980’s.
→ Malgré la crise, politique libérale non protectionniste. Désormais, les plus gros obstacles à la circulation des marchandises sont des obstacles non tarifaires : normes techniques, politiques de soutien à l’agriculture (subventions européennes et américaines).
++++La solidarité monétaire
Dès 1972, les pays européens ont essayé de trouver, dans la fluctuation générale des monnaies, une manière de limiter les fluctuations entre les monnaies européennes.
Le Serpent monétaire européen (1972 – 78) :
Dispositif économique limitant les fluctuations de taux de change entre les pays membres de la CEE. Fonctionnement : on fait la moyenne des monnaies européennes, en fonction du poids relatif des pays → établissement d’un panier de monnaies. Définition d’une marge extrême de fluctuation de 4,5% entre les monnaies (plus ou moins 2,25%).
Le système monétaire international (SME, 1979) :
Les 2 artisans majeurs du SME- sont [rouge]Valéry Giscard d’Estaing[/rouge] et [rouge]Helmut Schmidt[/rouge] (chancelier allemand). Encadrement des marges de fluctuation des monnaies autour d’un cours pivot de référence, l’ECU (European Currency Unit = “unité de compte européenne”). Cela ne fonctionne pas bien : à plusieurs reprises, certaines monnaies demandent à sortir du SME.
++++Stagnation des institutions
Paralysie due à 3 facteurs :
Entrée du Royaume-uni dans l’Europe (1er janvier 1973) :
- les Anglais demandent une dérogation à la préférence communautaire de la PAC pour pouvoir s’approvisionner à l’extérieur du Marché Commun, notamment dans le Commonwealth, où ils bénéficient de prix préférentiels (Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Australie, etc.).
- Les Anglais trouvent qu’ils payent trop par rapport à ce qu’ils reçoivent de l’Europe → compromis (sommet de Dublin, 1975) : l’Angleterre récupère les 2/3 de la différence entre ce qu’elle paye et ce qu’elle reçoit.
- 1984 (sommet de Fontainebleau) : Margaret Thatcher obtient une dispense partielle du budget communautaire
Remise en question de la PAC : pour plusieurs raisons
- coût de plus en plus élevé du soutien aux principales productions (blé, volaille, porc) à cause des chocs pétroliers
- changement d’équilibre dans l’Europe : entrée de pays qui n’ont pas d’intérêt au développement de la PAC (G-B).
- Politique régionale : nouveau pan de la politique européenne = création de fonds structurels pour aider les régions en retard (prévu dès 1957). Bénéficiaires : Italie (Mezzogiorno), Irlande, Ecosse (sud). Programmes européens de développement d’infrastructures (transports, équipements).
Tensions internes :
- difficultés d’ajustement entre la France et ses voisins : expérience des gouvernements de gauche
→ 1981 – 83 : politique de relance (hausse des importations et des dépenses publiques + déséquilibre de la balance commerciale). 3 dévaluations (1981, 82, 83).
Dès 1983 : infléchissement = politique de rigueur → développement du chômage → difficultés politiques.
- politique de monnaie forte menée par la RFA : le deutschmark tire les autres monnaies vers le haut. En France, avoir un franc fort devient une priorité.
→ Période de difficultés entre partenaires.
II. Une double-relance : 1983 – 92
Contexte général
Révolution anti-keynesienne : aux Etats-Unis (Reagan), puis en Europe (Thatcher en G-B) → rejet des politiques keynesiennes (politique de la demande) + politiques de stabilité de la monnaie
= politiques néolibérales.
Réunification allemande (1990) : suite à la chute du Mur de Berlin (novembre 1989), Helmut Kohl (chancelier allemand) impose à ses partenairs la réunification allemande, qui est réalisée très vite.
chute du bloc de l’Est (1989 – 1991) : pose la question des frontières de l’Europe
→ idée d’une Europe hétérogène à plusieurs vitesses, où certains pays participent à certaines institutions et d’autres pas (cf. euro aujourd’hui).
4 éléments vont améliorer la situation :
Compromis avec l’Angleterre (sommet de Fontainebleau, 1984) : règlement de la question de la contribution anglaise.
Tournant de la rigueur en France (1983) : priorité donnée au rétablissement de l’équilibre budgétaire + politique de monnaie forte.
Arrivée de Jacques Delors à la Commission européenne (1985) pour 10 ans.
Elargissements : Grèce (1981), Espagne et Portugal (1986).
→ Relance de l’Europe par l’économie.
++++
L’Acte Unique (1986)
Chronologie :
1985 : Jacques Delors propose l’Acte Unique européen.
Février 1986 : signature de l’Acte Unique à Luxembourg.
1er juillet 1987 : entrée en vigueur de l’Acte Unique.
Contenu :
Construction d’un espace de libre-circulation (personnes, capitaux, marchandises) = Marché Unique pour le 1er janvier 1993.
Au niveau des institutions, 3 changements importants allant vers plus de fédéralisme
- création d’un Conseil européen : réunit périodiquement les chefs d’Etat et de gouvernement.
- décisions à la majorité qualifiée au Conseil des ministres : pour tout ce qui concerne le Marché Commun (sauf questions fiscales et sociales). Elargissements : maintien de l’unanimité.
- augmentation des pouvoirs du Parlement : doté d’un droit de véto à la majorité. Pour tout élargissement, il faut un avis conforme du Parlement.
→ L’Acte unique a ouvert le chemin au traité sur l’UE, signé à Maastricht en 1992
++++La question des ressources financières
Le budget européen : 3 types de ressources propres
- droits de douane (TEC) : 25%
- prélèvements sur les importations agricoles hors CEE : + de 30%
- 1 point de TVA : 1% de la TVA reversé au budget européen par les Etats : majorité des ressources.
Remarque : Le traité de Rome instituant la CEE envisageait des contributions des Etats, votées par les pays (= tendance confédérale). À partir du moment où la Communauté a des ressources propres (1970’s), on s’éloigne de cette logique et on entre dans le domaine du supranational (= tendance fédérale).
- fin 1980’s : ajout d’une 4è ressource = % du PNB des Etats (= 1,2%)
→ Augmentation des ressources propres de la CEE. Causes : coût croissant de la PAC, élargissements, politiques régionales.
1985 – 92 :
réorientation des ressources de la CEE = de plus en plus de ressources propres, de moins en moins de contribution des Etats.
réorientation des dépenses de la CEE : développement des politiques régionales (//t entrée de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne).
++++
La circulation des hommes
Chronologie :
- juin 1985 : accords de Schengen, signés par 5 pays (Allemagne, Benelux, France)
- 1990 : convention de Schengen (→ entre en application en 1995). 15 pays : France, Allemagne, Benelux, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Autriche, Danemark, Finlande, Suède, Norvège, Islande.
→ Le Royaume-Uni et l’Irlande sont les deux seuls pays de l’UE à ne pas avoir rejoint l’accord Schengen.
→ Suppression des contrôles d’identité aux frontières entre les pays signataires : le territoire sans frontière ainsi créé est communément appelé espace Schengen.
→ Entrée dans la construction européenne à 2 vitesses :
- noyau central : plus ou moins les Six de départ
- agrégation des autres pays à des rythmes divers
= intégration inégale et différentielle.
++++Le traité de Maastricht (1992)
Chronologie :
- juin 1989 : projet d’union économique et monétaire présenté par Delors au Conseil de l’Europe à Madrid (banque centrale indépendante, monnaie unique).
- février 1992 : traité sur l’UE signé à Maastricht par l’ensemble des 12 Etats membres de la CEE.
Contenu :
- institution de l’UE (se substitue à la CEE)
- CEE renommée en “Communauté européenne”
- PESC (politique étrangère et de sécurité commune)
- coopération policière et judiciaire en matière pénale
- UEM (union économique et monétaire) : création prévue de la BCE (banque centrale européenne) et de l’euro.
- 3 piliers : définis par le traité, sur lesquels repose l’UE
- Communautés européennes : héritières de la CECA, CEE et Euratom. Pilier supranational relatif aux politiques intégrées (PAC, union douanière, marché intérieur, euro, etc.)
- PESC (politique étrangère et de sécurité commune) : coopération intergouvernementale en matière d’affaires étrangères et de sécurité = méthode intergouvernementale
- CPJP (coopération policière et judiciaire en matière pénale) = méthode intergouvernementale.
→ Compromis entre les aspects fédéraux (pilier n°1 = pilier central) et intergouvernementaux (piliers n°2 et 3).
→ Consécration du principe de subsidiarité, qui est introduit dans le traité : il a pour objectif que les décisions prises dans l’UE le soient au niveau le plus pertinent et le plus proche possible des citoyens.
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Aristide Briand et l’Europe
Fédéralistes et Unionistes
L’Europe : bibliographie thématique
La citoyenneté européenne, une citoyenneté non vécue et encore incomplète
Cartes des élargissements de l’UE :
Carte des élargissements, 1952 - 2007
Carte animée des élargissements, 1957 - 2007
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