Je suis…,
Oh ! Combien je suis !
Tu me lecture, me relecture,
Tu me relis,
Me devines,
Me détaches… en mot à mot,
à mot couvert,
Me coupes, tu me recoupes…,
À mots nouveaux, enjolivés
Tu m’épelles,
M’allonges sur les touches ou sur papier,
Me lignes, alignées...,
Me qualifie, me paragraphe
Me pagines,
Je suis lue…
Tu m’écris.
Tu me cherches et me recherches,
Me Larousse, me Grevisse, me déclines et me tirade
Me Guillet et me guillemet,
Me synonyme...,
Exigeante, tu me calembougeoises.
Tu me phrases, me périscope et me paraphrase,
Je m’éventail et me métaphorise…,
Tu me tournes et me retournes,
Tu me revisites, me grises et me revises,
Me notes et m’annotes.
Tu me radotes et me conjugues,
Me verbe et me complémente.
Tu me dictes,
Je te touche
Tu m’inscrits…, manuscrite.
Tu t’alarmes,… soliloque,
Je sonne et tu raisonnes.
Tu m’étreins tendrement…,
Me tritures,
Me tarabutines,
Me fouilles,
Et m’analyses.
Tu fautes et me corriges,
Je t’approche et te terrorise,
Me fais danser en courbe,
Calligraphique…,
Tu me renverses et me déverses,
Me barbouilles et me brouillonnes,
Me ruisselles, me ratures et m’effaces.
Je t’inspire, tu m’aspires
Me cadavre… exquis,
Me colores et me dévores.
Tu me clames, me slames, me chantonne,
Tu me caractère et me caricature.
Je m’euphémisme,
D’un point sur ton « i »,
La barre sur ton « T »,
Me plurielle…,
Me singularises,
Me bascules et me majuscule.
La courbe de tes « B »,
Le cul de tes « d »…,
Tu me juxtaposes, me pointillonne,
Me dévergondes et m’envirvule ...,
Me hiatus et me lapsus.
Je me dispose et me dépose.
De ton plomb et de ta mine,
À l’encre ou au crayon,
Au clavier, en voyelles détachées,
En consonnes malmenées…,
Tu me reprends ou me remises.
Mélange des langues,
M’élite et m’embourgeoise,
Me prolétaire et me famine.
Je te provoque, fébrile et narrative
Je me déshabille-en descriptive.
Je paragraphe, m’essaie de bout en bout,
Chiffonnée et écornée,
Tu me boudes et je me livre.
Je me roman,
M’encyclopédie de tes tomes sur mon alphabet.
Copier-coller, je te retiens, te paralyse
Te tape du bout des doigts, tu improvises.
En scène ou en mécène,
Tu me théâtralises,
M’effleures en mots doux, en lettres d’amour, en poésie…,
En scripte, tabulée, je vulgarise.
Tu me chavires en déclamation,
Me circonflexe,
Et me déclines.
Tu me nommes à point nommé,
Je m’interroge et m’interrogative.
Tu fais le tour de moi,
Me titre, me sous-titre et me transcris,
En addenda, tu m’ajoutes…,
Me précises, nota bene, post-scriptum,
En déclinaisons latines,
De Lafontaine à Nelligan, en poésie furtive.
Tu exaspères, m’exergue et me dédicaces,
Comme Gaston (Miron),
Tu m’introduis et me conclus.
J’ajoute à ta langue et je traduis,
Je te parle et tu écris.
Tu réclames, déclames et te gargarises,
Explicatif, exclamatif…,
Tu contournes et reviens toujours,
En tiret, en détaché, en parenthèse ou en « s » ajoutés.
Tu me vers et me prose,
Me quatrain,
Me strophe et m’apostrophes
Me verbalises.
Moi… la farouche, la captive
Tu m’apprivoises et m’érotises,
Me griffonnes,
Me samurai ou me Spirou
Bande passante ou dessinée,
Me repousses et me brutalises.
Tu te retiens…
Je suis… ce que tu laisses…,
Par petits bouts,
Feuille par feuille,
Lili…, Effeuilleuse.
Je suis ton autre toi…,
En liaisons et en chapitres,
Tu me bibliothèque et me rayonnes
Me chasse et me chemise,
Me recto verso, me pamphlétaire
Me journalise, me préface et m’épilogue.
Ton Émile et son Littré,
Ton dictionnaire, ta référence,
Ta bibliographie.
Je suis…,
Oh ! Combien je suis…
Cette part de toi,
Sombre, tyrannique et délirante,
Navrante ou virtuelle…,
Cette rubrique chronique,
Drogue dure et douce, bienveillante
Ton affront, ton effrontée
Tu m’hypertexte…
En citation, en synonyme,
Foliole sur fond de ciel bleu clair
Manuscrite…,
En signe, signet et paraphée...
Je suis...
Oh ! Combien je suis !
Je suis lue..., je suis
Ton mot à mot,
Ton écriture…, et ta dictée